Un facteur déterminant de la crise de la couverture en soins est le taux élevé d’abandon de la profession parmi le personnel soignant des EMS. Un projet de recherche de la Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI) montre que la manière dont le travail est organisé joue un rôle essentiel. Du fait du sous-financement des soins, les rythmes de travail sont intenses et laissent trop peu de temps à la dimension relationnelle, un aspect pourtant crucial. Dans ces conditions, le personnel soignant ne parvient pas à répondre à ses exigences en matière de qualité des soins et quitte finalement le métier.
À partir de ce constat, un processus participatif a permis d’élaborer le « Manifeste pour des soins de qualité » en faveur des seniors. Ce document esquisse une perspective humaine et holistique dans le domaine des soins de longue durée. Il met l’accent sur le respect des besoins des patient-e-s et des valeurs éthiques des soignant-e-s. « Il faut en particulier que le personnel soignant soit lui-même partie prenante du débat sur l’organisation du travail. Car ce sont les soignant-e-s qui disposent de la meilleure expertise sur les besoins des résident-e-s dont ils et elles s’occupent », explique Nicolas Pons-Vignon, professeur à la SUPSI. Les participant-e-s au colloque ont longuement discuté du texte, intégré les dernières modifications et adopté le manifeste à l’unanimité.
La crise de la couverture en soins ne pourra pas être résolue uniquement en renforçant le domaine des soins. Le soutien quotidien et l’accompagnement des personnes âgées est une tâche de plus en plus importante, a constaté Carlo Knöpfel, professeur à la Haute école spécialisée de la Suisse du Nord-Ouest (FHNW) dans le cadre de ses recherches. Les offres de soutien ambulatoires, combinées aux soins à domicile, peuvent retarder l’entrée en institution et réduire la pression sur le personnel soignant. Mais il faut pour cela des politiques et conditions-cadres adaptées, a rappelé l’économiste de la santé Heinz Locher. De son côté, Bruno Facci, infirmier à la retraite, a souligné l’énorme fardeau porté par les proches aidants dans un contexte de crise de la couverture en soins.
Farah Rumy, conseillère nationale et infirmière clinicienne (PS SO), et Enrico Borelli, coresponsable de la branche des soins (Unia), ont présenté les perspectives politiques et syndicales face à la crise en cours. « Le syndicat peut et doit jouer un rôle actif dans la construction du tissu social et rassembler le plus possible d’actrices et d’acteurs dans une vision commune », a déclaré Enrico Borelli. À la fin du colloque sur les soins, les prochaines étapes ont été évoquées lors d’une table ronde en compagnie de Samuel Burri (Unia), Dario Mordasini (retraité syndical actif), Ruth Schmied (PS 60+), Reto Wyss (secrétaire central de l’Union syndicale suisse) et Cristiana Pires (travailleuse sociale dans un EMS). « Je suis convaincu que les personnes retraitées doivent et veulent s’engager pour des soins de qualité », a relevé Dario Mordasini du groupe d’intérêt des retraité-e-s Unia. Toutes et tous s’accordent à dire que la crise de la couverture en soins est l’un des grands défis de notre époque qui ne peut être surmonté que collectivement.
Le «Manifeste pour des soins de qualité» doit maintenant être diffusé auprès du grand public. Le soutien, la prise en charge et les soins aux personnes âgées doivent être reconnus, organisés et financés publiquement. Ignorer la crise de la couverture en soins, c’est encourir un coût social et économique encore plus élevé. Les organisations participantes s’engagent à faire connaître le manifeste dans les cantons au cours des prochains mois. Elles lutteront avec la population et les milieux politiques pour un financement équitable et des soins sûrs garantissant de bonnes conditions de travail.