Financement uniforme des prestations de soins ambulatoires et stationnaires (EFAS): un affront pour les personnels de santé et les payeurs-euses de primes
A l’origine, ce projet aurait dû «favoriser le recours aux traitements ambulatoires» et «éliminer les mauvaises incitations». Deux mesures qui pourraient être judicieuses si elles étaient pilotées par les pouvoirs publics ; elles n’ont pourtant pas grand-chose à voir avec l’EFAS en discussion. En effet, EFAS prévoit que désormais les caisses maladie recevraient et distribueraient les milliards de francs versés par les cantons (donc nos impôts), en plus des milliards encaissés provenant de nos primes, pour financer les traitements hospitaliers. Le principe de cette réforme est donc que toutes les factures seraient dorénavant payées par un seul organisme. Or, on ne voit pas en quoi ce modèle – dit moniste – pourrait avoir un impact sur le choix du type de traitement! Et tant que les systèmes tarifaires ne sont pas reconsidérés, les principales incitations négatives subsisteront. En revanche, le pouvoir des assureurs et la course au profit au détriment de l'assurance de base seraient nettement renforcés par EFAS.
Un autre aspect d’EFAS est particulièrement incompréhensible: les Chambres fédérales sont d'accord pour inclure les soins de longue durée dans le projet (le financement des EMS, notamment). Concrètement, cela signifierait pour ces institutions que la responsabilité du financement par les cantons et le plafonnement des tarifs en vigueur seraient supprimés de la loi sans être remplacés par un autre mécanisme de régulation. Conséquences de ce projet : la pression pour réaliser des économies au détriment des personnels soignants et de la qualité des soins serait encore plus forte qu'aujourd'hui. Pourtant, la mise en œuvre de l'initiative pour des soins infirmiers forts, en suspens depuis plus de deux ans, devrait aller exactement dans la direction opposée. EFAS est en ce sens une trahison pour celles et ceux qui ont accepté l’initiative et pour les personnels de santé.
Le scandale révélé récemment sur la lamentable prise en charge des résident-e-s dans des centaines d'établissements médico-sociaux du groupe privé Orpea en France et en Allemagne a montré de manière préoccupante ce qui se produit lorsque les pouvoirs publics abandonnent au «marché» ce domaine de soins. La logique de concurrence en vigueur en Suisse depuis plus de dix ans dans le financement du système de santé a pourtant déjà laissé suffisamment de conséquences négatives – avec une pression aux économies qui pousse les personnels soignants vers l'épuisement chronique.
Pour les payeurs-euses de primes aussi, la suppression du plafonnement de la contribution des coûts des soins de longue durée aurait de très «chères» conséquences sur les primes d’assurance, car ils-elles devraient participer de manière «dynamique» au financement d’un secteur de soins qui connaît une forte croissance. C'était une condition sine qua non des cantons pour leur soutien à EFAS, condition sine qua non sèchement imposée aux payeurs-euses de primes !
Autre point totalement inacceptable: jusqu'à présent, le Conseil national campe sur sa version généreuse pour le secteur privé et lucratif, à savoir offrir aux cliniques privées un cadeau de 30 pour cent de financement supplémentaire par le biais des primes! Alors que les hôpitaux publics sont notoirement sous-financés, les cliniques privées devraient donc profiter de tarifs encore plus élevés: un joli cadeau qui irait directement dans les poches de leurs actionnaires et un nouvel affront, absolument irrecevable, pour les ménages à bas et moyens revenus.
Conclusion: en tant qu’organisations représentant les personnels de santé, les syndicats SSP, Unia et Syna sont extrêmement préoccupées par l’évolution du projet EFAS au Parlement. Et ce n’est pas parce que cette révision est discutée depuis 14 ans qu’automatiquement on peut en conclure que le projet est mûr et doit être mené à terme. C’est même l’inverse, EFAS est une erreur et un danger – pour les personnels soignants, pour la qualité des soins et pour les payeurs-euses de primes. Il faut donc absolument empêcher cette réforme.
Communiqué de press commun des syndicats SSP, Unia et Syna