De nombreux problèmes d’ordre juridique et démocratique entachent l’introduction de la nouvelle CCT que Smood a annoncée jeudi passé par voie de presse. La CCT a été conclue avec un syndicat minoritaire choisi par l’employeur. Cette manière de procéder contrevient à la liberté de coalition et au droit de négociation, qui sont des droits démocratiques garantis par la Constitution fédérale et par les conventions de l’Organisation internationale du travail.
À aucun moment les salarié-e-s de Smood – pourtant les premiers concernés – n’ont été informés de l’élaboration de cette CCT. Ils n’ont eu que 24 heures pour se prononcer par « oui » ou « non » sur un texte juridique complexe via l’application de l’employeur, limitant ainsi leur liberté d’expression. Dans ces conditions, impossible de se forger une opinion, d’en discuter avec ses collègues ou de tenir des assemblées. Le comité des livreuses et livreurs de Smood et Unia ont demandé une prolongation du délai de consultation à fin juin pour mener un processus démocratique indépendant de l’employeur (voir notre courrier). Une fois de plus, les demandes du personnel n’ont pas été écoutées par Smood, qui pourtant se targue d’être devenu un acteur de l’« ubérisation socialement exemplaire ».
À cela s’ajoute que de nombreuses formulations de la CCT ne permettent pas de savoir comment elle sera appliquée, sur plusieurs points centraux. L’indemnisation des frais de l’utilisation du véhicule privé n’est pas claire, pas plus que la couverture en cas de maladie et le salaire promis de 23 francs de l’heure (fériés et vacances inclus) est celui qui est déjà en vigueur. La CCT impose un modèle de temps de travail ultra-flexible qui facilite le report du risque d’entreprise sur les salarié-e-s. De plus, les dispositions de la CCT de l’hôtellerie-restauration qui devraient s’appliquer à Smood ne sont pas prises en compte, pas plus que les recommandations de la Chambre des relations collectives de travail, l’organe de conciliation genevois intervenu en décembre dernier pour régler le conflit.
Tout laisse à penser que les salarié-e-s font l’objet d’une manœuvre de social washing de la part de Smood qui cherche par tous les moyens à redorer son blason. Mais cela ne suffira ni à réduire le personnel au silence, ni à régler les conflits. Avec l’aide d’Unia, plusieurs employé-e-s ont déjà déposé des requêtes pour le remboursement d’arriérés de salaire et de frais contre l’entreprise dans plusieurs cantons. En outre, des procédures engagées par l’inspection du travail et par les commissions paritaires dans le cadre des CCT de force obligatoire sont en cours. Unia continuera sa lutte aux côtés des employé-e-s de Smood et des autres travailleuses et travailleurs de plateforme pour que leurs droits soient respectés.