Stadler Rail: Une CCT forte pour une place industrielle forte
A la journée de l’industrie d’Unia du 11 septembre dernier, Corrado Pardini, responsable de l’industrie du syndicat, Nick Hayek, CEO de Swatch et Peter Spuhler, patron de Stadler Rail, ont prononcé une sorte de «serment du Grütli» en faveur d’une industrie forte en Suisse. Pardini y a mis une condition: «il faut pour cela réinventer le partenariat social». Quatre semaines plus tard, ces déclarations étaient suivies d’un premier acte concret: vendredi dernier, Spuhler et Pardini ont signé à Zurich une nouvelle convention collective de travail pour tous les sites suisses du Stadler Rail Group.
La nouvelle CCT est exemplaire à divers égards: de bons salaires y ont été fixés pour cinq niveaux de qualification (de 4200 francs pour la main-d’œuvre auxiliaire à 6200 francs pour les technicien-ne-s). Les apprenti-e-s sont également assujettis à la CCT, et ont droit à des salaires minimums. Les plus de 58 ans bénéficient d’une protection étendue contre le licenciement. Les dispositions concernant les licenciements collectifs ont été améliorées. La compensation automatique du renchérissement a été introduite. Et la liste est loin d’être exhaustive.
Annulation des mesures de crise
Le syndicat Unia et Stadler Rail ont également décidé de mettre fin aux mesures de crise. A la fin de janvier, suite à la brusque appréciation du franc imputable à la Banque nationale suisse (BNS), il avait été décidé d’introduire provisoirement la semaine de 45 heures (y c. deux heures et demie de pause). Dès le 1er janvier 2016, la durée du travail inscrite dans la CCT repassera à 40 heures. Corrado Pardini s’en félicite: «à une époque où les associations économiques et les grands groupes poussent à une augmentation générale du temps de travail, cette CCT rappelle l’importance de la semaine de 40 heures».
Pour Pardini, qui défend aussi le point de vue des syndicalistes au Conseil national, cette CCT a une valeur de signal : «Elle aidera à sauver des emplois. Elle montre qu’il est possible de résoudre le problème de la main-d’œuvre plus âgée, que l’on licencie aujourd’hui en priorité. Or sa portée va plus loin encore, à l’heure où Economiesuisse, l’UDC et le PLR veulent biffer les acquis sociaux.» Ces derniers ont la ferme intention de réduire les salaires, d’augmenter la durée du travail, de retarder l’âge de la retraite et de démanteler la sécurité sociale. Pardini est formel: «Si ces partis gagnent les élections, l’atmosphère s’annonce glaciale en Suisse. Cette CCT est par contre un précieux plaidoyer pour l’industrie et pour une Suisse progressiste.»
Prenons l’exemple des salaires minimums. Il y a deux ans, Pardini avait dû recourir à la méthode forte, en sollicitant la médiation du Conseil fédéral, pour introduire des salaires minimums dans la CCT de l’industrie MEM. Et aujourd’hui, Peter Spuhler a qualifié cette CCT d’«avancée pour garantir le succès de la place industrielle suisse».
Le problème de la surévaluation du franc reste inchangé
Il reste le problème du franc fort. La situation est critique pour une partie de l’industrie, ainsi que pour d’autres branches économiques. Unia dispose d’indices montrant que des licenciements collectifs sont prévus après les élections du 18 octobre. Le syndicat Unia invite donc la BNS à réintroduire rapidement un taux plancher de 1,20 franc pour un euro.
Points-clés de la CCT
Salaires minimums:
Technicien-ne-s HES 6200.-
Spécialistes avec CFC en 4 ans (dès 25 ans) 4700.-
Spécialistes avec CFC en 4 ans (jusqu’à 25 ans) 4400.-
Employé-e-s avec AFP en 2 ans 4200.-
Main-d’œuvre auxiliaire 4200.-
Apprenti-e-s soumis à la CCT
Salaires minimums, allant de 650 francs en 1re année à 1400 francs en 4e année
Durée du travail: semaine de 40 heures, +1jour de vacances pour toutes les classes d’âge
Protection accrue contre le licenciement dès 58 ans révolus
Compensation automatique du renchérissement
En cas de licenciement collectif: obligations étendues de l’entreprise
Main-d’œuvre temporaire: plafonnée à max. 15%
En outre, la CCT renferme de solides dispositions notamment sur l’égalité salariale et la promotion professionnelle des femmes.